Toutes les émotions (tristesse, colère, joie, peur, dégoût, surprise) ont une raison d’être et de se manifester.

Elles peuvent apparaître à différents moments de la journée et de la vie parce qu’elles répondent à un contexte social et relationnel précis.

Par exemple, la peur, émotion primitive, est avant tout une amie qui nous prévient d’un risque ou de la perspective d’un danger potentiel face à une situation inconnue.

– La peur de monter sur un cheval pour la première fois…. c’est haut tout de même, on pourrait tomber !

– La peur de traverser seul(e) pour la première fois…combien de fois nous a t-on répété que c’était dangereux ?

– La peur du premier baiser…Et si j’étais nul(le), la honte !!!!

– La peur de prendre la parole en public, parce que l’on pourrait bafouiller ou pire faire un malaise !

En somme, nous avons tous un milliard de très bonnes raisons de ressentir l’émotion de la peur.

C’est une émotion extrêmement écologique et protectrice.

Mais quand la peur s’invite trop fréquemment sans être réellement justifiée, toujours dans le même contexte, et qu’elle finit par provoquer des symptômes gênants, comme une transpiration excessive, des insomnies, des difficultés à respirer, des crises de panique, alors elle devient envahissante et incontrôlable.

Et surtout source d’une extrême souffrance.

C’est le cas de Sybille, petite poupée de 4 ans, qui est persuadée qu’un monstre velu et gluant s’est installé sous son lit, et que dans le meilleur des cas, viendra lui gratter les pieds ou lui tirer sa couverture pendant la nuit, dans le pire des cas, la soulever de son lit et la dévorer toute crue.

Alors très logiquement, elle retarde l’heure du coucher, appelle maman et papa pour réclamer un verre d’eau, un dernier bisou, un dernier passage aux toilettes.

Elle a dit qu’elle avait peur, que ce monstre sentait en plus vraiment mauvais.

Au début, maman et papa ont tout fait pour la rassurer : les monstres, bien évidemment, ça n’existe pas, et puis elle n’a rien à craindre dans la maison, et ils ont laissé la porte ouverte, installé une veilleuse dans la chambre, ils ont même vérifié sous le lit…bref, un très beau rituel de vérifications pour tenter d’apaiser les angoisses de Sybille.

Puis, de guerre lasse et fatigués, ils se sont énervés «maintenant, ça suffit, tu vas dormir, arrête tes histoires ! »

Ils ont menacé de la punir de son dessin animé préféré, parce que franchement, elle est vraiment trop bébé…

Il n’empêche que Sybille a toujours peur, et de plus en plus.

Le monstre a grossi et maintenant il est marron tout moche, et personne ne veut la croire.

Elle pleure beaucoup, de vraies crises de larmes, finit par sortir de son lit et court se réfugier dans le lit rassurant de maman et papa.

Qui craquent !!!!

Ce sont donc des parents épuisés et impuissants qui se présentent devant moi.

« on a vraiment tout essayé, mais rien n’y fait, on a même l’impression que c’est pire… »

Effectivement, parce que le simple fait de nier une émotion, c’est lui donner à coup sûr la possibilité de se venger, de grossir et de de devenir ingérable.

Et c’est pire !

Rassurer systématiquement quelqu’un qui a peur, et lui dire :

« Mais enfin, tu n’as absolument aucune raison d’avoir peur », provoque en général l’effet inverse…On a encore plus peur et de surcroît on se sent vraiment stupide de ressentir cette peur.

La peur parle plus fort, plus longtemps, et là franchement, elle crie.

Après avoir compris que le fait de vouloir rassurer Sybille, nier sa peur, et finalement l’empêcher de traverser et d’affronter cette émotion, provoquaient exactement  l’inverse de ce qu’ils voulaient, des tâches thérapeutiques ont été proposées et mises en place :

– Normaliser et accueillir cette peur enfantine par de nouveaux comportements.

– Permettre à Sybille d’affronter sa peur, de la regarder en face afin de la faire diminuer

– Mettre en place un vrai plan d’attaque anti monstres, spécifiquement adapté aux velus et gluants.

Sybille et ses parents ont été extrêmement créatifs !

Sybille sait maintenant qu’elle a le droit d’avoir peur et de le dire, et pour le moment, le monstre gluant caché sous son lit est parti.

Elle n’a plus peur d’avoir peur, ses parents savent désormais comment l’aider à affronter cette émotion, et surtout à l’écouter.

 

(Karine Curti Taës – Psychopraticienne thérapie brève)

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